15 ans du FRAL : les succès de l’appel franco-allemand en sciences humaines et sociales
Si l’Agence nationale de la recherche fonctionne autour d’un appel à projets principal générique, ce dernier est complété par plusieurs actions spécifiques. La plus ancienne est l’appel à projets franco-allemand en sciences humaines et sociales (FRAL), mené en tandem avec le pendant germanique de l’ANR et son premier partenaire à l’international : la Fondation allemande pour la recherche (DFG, Deutsche Forschungsgemeinschaft). Le FRAL a démarré en 2007, soit seulement deux ans après la création de l’ANR, ce qui en fait un programme particulièrement lié à l’histoire de l’Agence.
« Le FRAL est un appel blanc, c’est-à-dire dépourvu de thématique, et n’est pas limité à des sujets franco-allemands », explique Valérie Fromentin, directrice du département sciences humaines et sociales de l’ANR. Il se distingue aussi par son ouverture aux jeunes chercheurs, y compris s’ils n’ont pas encore été embauchés après leur doctorat. Alors que la majorité des appels à projets sont réservés à des titulaires disposant déjà d’un poste académique, le FRAL permet aux jeunes talents de se financer eux-mêmes, par exemple pour un postdoctorat.
Le FRAL propose également une procédure de sélection simplifiée, même si les dossiers de candidature doivent être rédigés à la fois en français et en allemand. « Nous voulons favoriser leur usage comme langues scientifiques », précise Valérie Fromentin, qui veille au bon fonctionnement du processus d’évaluation. Par ailleurs si les projets sont obligatoirement construits autour de consortia comportant au moins une équipe française et une équipe allemande, les chercheurs et chercheuses de tous les pays sont les bienvenus pour y participer sur fonds propres.
Actuellement, le FRAL finance environ treize projets bilatéraux par an, leur allouant un montant moyen de 300 000 euros. 232 projets ont été ainsi soutenus par l’ANR et la DFG depuis 2007, pour un total de 44 millions d’euros. C’est fort de ce succès que le FRAL fête cette année ses quinze ans d’existence avec un colloque labellisé « Présidence française du Conseil de l’Union européenne », qui se tiendra les 14 et 15 juin à Paris dans deux lieux : le Palais de la Porte dorée, qui abrite le musée national d’histoire de l’immigration, et la Cité internationale universitaire.
Valoriser les réussites en sciences humaines et sociales dans le cadre de la coopération franco-allemande
Ce colloque anniversaire se veut une vitrine des projets soutenus au fil des ans par le FRAL, il ambitionne de faire mieux connaître ce programme et de mettre en avant les spécificités et les réussites de la recherche franco-allemande en SHS.
La soirée inaugurale, le mardi 14 juin, en présence notamment de Thierry Damerval, président-directeur général de l’ANR, de Julika Griem, vice-présidente de la DFG, et de Hans-Dieter Lucas, ambassadeur d’Allemagne en France, sera centrée sur la conférence de Bénédicte Savoy, professeure honoraire au Collège de France et à l’Université technique de Berlin. Cette historienne de l’art est notamment connue pour son rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, commandé par le Président de la République Emmanuel Macron et réalisé avec l’universitaire sénégalais Felwine Sarr. « Bénédicte Savoy a une vie sur les deux rives du Rhin, et elle va bâtir sa conférence sur des objets conservés au musée national de l’histoire de l’immigration », se réjouit Valérie Fromentin. En deuxième partie de soirée, le musicien alsacien Rodolphe Burger et son groupe donneront un concert en hommage à la culture franco-allemande.
La journée scientifique du 15 juin à la Cité internationale « est dédiée aux chercheurs et chercheuses, aux équipes et aux projets qui ont été soutenus par le FRAL et ont aussi fait son succès. Nous voulons les mettre à l’honneur, souligne Valérie Fromentin. Il ne s’agit pas de présenter une simple revue de projets mais donner à voir de manière vivante les thèmes, les objets, les méthodes de recherche et les résultats, en prenant soin de le faire dans un format accessible à tous et à toutes. »
Plus d’une centaine d’intervenants animeront ainsi tout au long de la journée un programme organisé autour de deux conférences, trois tables rondes et neuf panels thématiques. Pour chaque projet présenté, les deux partenaires français et allemand, ont été conviés. Toutes les interventions et tous les échanges feront l’objet d’une traduction simultanée dans les deux langues.
La journée commencera par la conférence de Jakob Vogel, professeur d’histoire de l’Europe aux XIXe et XXe siècles à Sciences Po Paris et directeur du centre Marc Bloch de Berlin, qui présentera un bilan de l’évolution de la coopération scientifique franco-allemande en SHS sur les trois dernières décennies. Denis Eckert, directeur de recherche CNRS au laboratoire Géographie-cités (CNRS/EHESS/Université Panthéon-Sorbonne/Université Paris Cité) s’interrogera ensuite sur les difficultés et les dilemmes qui se posent à une équipe de recherche lorsque leur projet est interrompu par la guerre, ce qui lui est justement arrivé avec Limspaces, démarré en 2020 autour de l’Ukraine et de la Moldavie.
En plus des deux conférences, la journée du 15 juin comprendra des panels thématiques et des tables rondes. Chaque panel thématique est composé de cinq à six groupes de chercheurs, issus de projets soutenus par le FRAL. Chacun dispose de huit minutes pour sa présentation, organisée autour d’un mot, d’une idée ou d’une image. Ces discussions sont animées par des modérateurs. Parmi les temps forts, on y retrouvera le panel thématique « Territoires, environnement, ressources naturelles : quel monde laissons-nous en héritage ? ». Y contribueront par exemple des chercheurs issus du projet Envirohealth, qui s’intéresse à l’environnement et à la santé en Union soviétique et dans les États successeurs, ainsi que du projet SocPacific, qui a exploré la pêche dans le Pacifique Sud. Une belle démonstration que si les programmes scientifiques comportent forcément des équipes françaises et allemandes, leurs sujets peuvent librement déborder de ce cadre.
Les tables rondes quant à elles rassembleront également des coordinateurs et coordinatrices de projets lauréats, mais dans une optique plus transversale et avec une modération par des personnalités scientifiques expertes du sujet. Le thème « Des religions, des traditions : l’apport du franco-allemand ? » sera ainsi animé par Christophe Duhamelle, directeur du Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA) de l’EHESS. Un large programme à même de présenter toute la richesse et la diversité des projets soutenus par le FRAL en quinze ans.
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Propos recueilli par Martin Kopp