Appel à projets sur la pollution par la chlordécone aux Antilles : six projets de recherche lauréats

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À travers cet appel, l’ANR, la Région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique mobilisent près de 5,53 millions d’euros en faveur de la recherche sur la chlordécone afin d’identifier des solutions concrètes et d’enrichir les connaissances d’ici la fin des projets prévue fin 2025. Les porteurs et porteuses des six projets lauréats présenteront leurs travaux de recherche lors du colloque scientifique « Connaître pour agir » qui se tiendra en Guadeloupe du 12 au 14 décembre dans le cadre des Rencontres chlordécone 2022.

« Ce premier appel à projets conjoint « Chlordécone » est le fruit du renforcement de notre collaboration avec la Région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique. Il répond à des enjeux sociaux et environnementaux majeurs avec l’ambition que la recherche puisse améliorer les connaissances des impacts de cette molécule et de ses produits de transformation aux Antilles, ainsi que d’explorer et de développer des solutions pour la dépollution et la résilience des écosystèmes. L’approche interdisciplinaire renforcée, associant sciences humaines et sociales et sciences expérimentales, des six projets lauréats sélectionnés a également vocation à mieux appréhender les conditions d’appropriation de ces travaux de recherche au sein de la société. Ce premier appel a montré une forte mobilisation des chercheurs et chercheuses de l’Hexagone et d’Outre-mer. Pour répondre à ces enjeux, l’ANR mobilise pour ce premier appel 4.5 M d’euros. » déclare Thierry DAMERVAL, Président-Directeur général de l’ANR.

« La pollution des terres et des eaux martiniquaises à la chlordécone constitue l’une des plus grandes catastrophes sanitaires et environnementale de notre époque. Aujourd’hui, nous devons vivre en faisant le constat que plus de 50% de la surface agricole utile martiniquaise est contaminée et avec la certitude que les populations de Martinique et de Guadeloupe présentent des taux d’incidence du cancer de la prostate et d’autres pathologies graves, parmi les plus élevés au monde. Pour sortir de cette réalité et pour bâtir une ère post-chlordécone, nous sommes résolument engagés à permettre l’émergence de nouveaux procédés de détection et d’élimination de cette molécule de notre écosystème, de notre alimentation et in fine de notre organisme.

C’est dans ce cadre que la Collectivité Territoriale de Martinique a entendu participer à ce 1er appel à projets conjoint avec l’ANR et la Région Guadeloupe. Cela démontre l’engagement des pouvoirs publics locaux en faveur d’une recherche fondamentale et de solutions pérennes qui soient orientées vers le mieux-vivre de nos populations. Mais ces actions ne sauraient suffire et doivent nécessairement s’accompagner d’une véritable politique nationale de réparation, menée au plus haut niveau de l’Etat, à travers des investissements significatifs dans la prise en charge des victimes de la pollution à la chlordécone et dans la mise en œuvre de solutions audacieuses de dépollution.

Je félicite donc les six projets lauréats de cette première édition, qui associent les acteurs locaux de la recherche afin de proposer une analyse multidisciplinaire des problématiques rencontrées. Nous tâcherons de les accompagner au mieux dans leurs travaux, que nous soutiendrons à hauteur de 265 000 euros, en mobilisant notamment les fonds européens FEDER. » déclare Serge LETCHIMY, Président du Conseil Exécutif de Martinique.

« Face à l’ampleur de la pollution au chlordécone et autres pesticides de l’ensemble des écosystèmes terrestres et marins de Guadeloupe, et de son impact sanitaire, social et sociétal, la Région Guadeloupe a très tôt soutenu la recherche et les acteurs socio-économiques dans l’acquisition de connaissances nouvelles en vues de l’émergence de solutions de remédiation des sols et d’accompagnement pour la résilience du territoire. Ce premier appel à projets de recherche dans le cadre du plan chlordécone IV s’inscrit dans la continuité des actions (financement de contrats doctoraux et de projets de recherche sur les anciens PO FEDER) de la collectivité régionale pour la protection sanitaire de notre population et la volonté d’accompagnement. Sur les 6 projets lauréats, 3 impliquent des équipes de recherche locales, gage de l’implication et de l’excellence de notre recherche sur cette thématique Sur une enveloppe globale de près de 6 millions d’euros pour cet AAP, la Région Guadeloupe, au travers notamment de la mobilisation des fonds européens FEDER interviendra pour plus de 700 000 euros. L’acquisition de connaissances et les actions opérationnelles qui en découleront, restent notre meilleure arme pour faire face à cette contamination prévue pour durer des centaines d’années dans nos sols et dans nos eaux. » déclare Sylvie GUSTAVE-DIT-DUFLO, 4e Vice-Présidente, représentant Ary Chalus, Président de la Région Guadeloupe.

Appel à projets « Chlordécone » : six projets lauréats

La chlordécone est un insecticide ayant été largement répandu dans les champs de banane en Guadeloupe et en Martinique entre 1972 et 1993 pour lutter contre un insecte ravageur, le charançon du bananier. Interdite depuis, cette molécule (et ses métabolites) a entraîné une contamination diffuse et généralisée des eaux, des sols et des écosystèmes, et des conséquences délétères pour la santé de la population dans les Antilles françaises.

Dans l’objectif de promouvoir des recherches sur la caractérisation des impacts de la chlordécone et de ses dérivés, et des solutions pour les réduire, le premier appel à projets de recherche conjoint « Chlordécone », lancé le 10 mars dernier, s’articulait autour de trois axes thématiques :

La prévention des expositions pour abaisser les causes et les facteurs de risque liés à la présence de la chlordécone, en particulier dans la chaîne alimentaire ;
 L’identification des freins et des leviers aux échanges et aux interactions entre science et société, c’est-à-dire entre la recherche scientifique sur la chlordécone et les acteurs des sociétés caribéennes ;
 Le développement de solutions innovantes, rentables et intégrées capables d’apporter résilience et durabilité dans le développement socio-économique caribéen

Sur les 14 projets de recherche déposés et éligibles, six ont été retenus par un comité d’évaluation scientifique pluridisciplinaire international. Ils débuteront dès janvier 2023. Cinq d’entre eux se pencheront spécifiquement sur la remédiation des sols et des eaux, c’est-à-dire leur décontamination, et tous comportent un volet consacré aux sciences humaines et sociales avec une approche One Health ou « Une seule Santé », une approche unifiée et intégrative de la santé humaine, animale et environnementale. Les partenaires et les chercheurs antillais sont fortement impliqués dans l’ensemble des projets et notamment dans la coordination de deux des six projets de recherche lauréats.

Le projet CHLOR2NOU – Chlordécone et ses produits de transformation : nouveaux outils et connaissances

Le projet CHLOR2NOU s’intéresse au développement de nouveaux outils de surveillance autour de la chlordécone et de ses produits de transformation – ou métabolites, c’est à dire lorsqu’ elle se dégrade. De fait, pendant des décennies, ce pesticide était considéré comme indestructible ou non-dégradable, ce qui a eu un fort impact négatif sur la gestion de la pollution. Dans une optique de prévention à leur exposition, CHLOR2NOU s’attachera ainsi à mieux détecter et mieux comprendre la formation de ses produits de transformation, à estimer leur toxicité, leur écotoxicité et leur prévalence, puis à étudier les conditions agronomiques et environnementales réalistes capables de favoriser la dégradation de la chlordécone. Ce projet se centrera également sur la représentation du pesticide dans la société antillaise.

CHLOR2NOU présente le plus vaste consortium de l’appel à projets avec dix-huit partenaires, dont sept basés aux Antilles : WATCHFROG, Process Chem, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’Institut Pasteur de la Guadeloupe, l’iSm2, le Laboratoire d’étude des interactions entre sol-agrosystème-hydrosystème (LISAH), l’UMR Agroécologie de Dijon, l’UMR MARine Biodiversity Exploitation and Conservation (MARBEC), le laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (EPOC), l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (IRCM), l’Institut technique tropical (IT2), le Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales (LC2S), l’Institut des sciences du vivant Frédéric Joliot/Service de pharmacologie et d’immunoanalyse (SPI), ECOSYS, ENSAIA-Chaire Agrométha, Biologie des organismes et écosystèmes aquatiques (BOREA), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’UMR GENOSCOPE/CEA (coordinateur).

Le projet DéMETer : Déployer une Méthode Efficiente, acceptable et opérationnelle de Traitement des sols pour réduire l’exposition vis-à-vis de la chlordécone et ses produits de dégradation

Malgré un arrêt d’usage depuis presque 30 ans, les sols de Martinique et de Guadeloupe représentent toujours une source continue de chlordécone pouvant être transférée vers d’autres milieux, comme les eaux de surface et souterraines. Réduire la contamination des sols est donc un enjeu majeur pour diminuer l’exposition et les impacts sur la santé humaine et sur l’environnement. L’objectif de DéMETer est de lever certains verrous techniques et sociétaux autour de solutions de remédiations prometteuses, comme celles couplant la remédiation chimique et la phytoremédiation, afin de permettre leur mise en œuvre opérationnelle. Le projet DéMETer vise ainsi à déployer une méthode efficiente, économiquement viable, socialement acceptable et opérationnelle de traitement des sols pour réduire l’exposition vis-à-vis de la chlordécone et de ses produits de dégradation. Le projet vise à valider une méthode innovante de remédiation des sols (y compris agricoles) en s’assurant de sa possible mise en œuvre à grande échelle, tout en intégrant les représentations et attentes des citoyens face à la dépollution des sols.

DéMETer réunit cinq partenaires : le Laboratoire des symbioses tropicales et méditerranéennes (LSTM), VALGO, le laboratoire Migrations, interculturalité et éducation en Amazonie (MINEA), le Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales (LC2S), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) (coordinateur).

Le projet KARU-FERTIL : Exposition à la chlordécone et fertilité féminine

KARU-FERTIL se consacrera aux liens entre l’exposition à la chlordécone, perturbateur endocrinien avéré, et l’infertilité féminine. Pour ce faire, l’équipe du projet mènera des travaux de recherche en s’appuyant sur deux approches complémentaires :

Une étude épidémiologique, construite autour du suivi de femmes âgées de 18 à 39 ans consultant pour infertilité de couple au CHU de Guadeloupe. Les associations entre le chlordécone et les causes médicales les plus fréquentes d’infertilité féminine seront ainsi étudiées ; et
 Une approche sociologique autour d’entretiens semi-structurés sur un échantillon de femmes incluses dans l’étude épidémiologique et sur un échantillon de professionnels de santé prenant en charge de l’infertilité du couple en Guadeloupe afin de recueillir leurs perceptions.

KARU-FERTIL réunit quatre partenaires : l’Institut Pasteur de la Guadeloupe (coordinateur), l’Institut national d’études démographiques (Ined), le CHU Guadeloupe et l’Inserm.

Le projet LiCOCO – Vivre avec la chlordécone : une co-construction fondée sur les opportunités

Réunissant des chercheurs de différentes disciplines, LiCOCO fera le point sur l’état des connaissances sur la chlordécone et ses impacts. Ce projet vise notamment à étudier, questionner et imaginer le quotidien des populations avec la chlordécone et à développer des solutions en termes de politiques publiques. En interrogeant les différents discours sur la pollution à la chlordécone (politiques, scientifiques et profanes) et les représentations que les différentes couches de la population ont sur cette pollution, l’objectif de ce projet, entre sciences sociales et sciences expérimentales, est de travailler au développement d’outils pour restaurer la confiance entre les pouvoirs publics et les populations.

LiCOCO rassemble cinq partenaires : L’institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), le Laboratoire des écosystèmes et sociétés en montagne (LESSEM), le Laboratoire des matériaux et molécules en milieu agressif (L3MA), AZUR ISOTOPES, le Laboratoire d’études et de recherches appliquées en sciences sociales (LERASS) et le LC2S (coordinateur).

Le projet MetHalo : Criblage métagénomique des déhalogénases, nouveaux outils pour la dépollution de la chlordécone

Afin de limiter l’exposition humaine à la chlordécone, le projet MetHalo vise à développer de nouvelles pistes pour une bioremédiation des sols et des eaux, basée sur l’utilisation d’enzymes. En effet, certaines enzymes pouvant dégrader les composants organiques contenant du chlore, comme les déhalogénases, apparaissent particulièrement prometteuses. Le projet MetHalo permettra aux chercheurs d’identifier les gènes codant pour de nouvelles déhalogénases, notamment par des méthodes dites de criblage fonctionnel métagénomique, afin d’agrandir l’arsenal d’enzymes pouvant s’attaquer à la chlordécone.

Ce criblage permettra aux scientifiques d’étudier la dégradation de la chlordécone et les molécules produites par cette réaction et d’approfondir les connaissances autour des mécanismes de sa dégradation – toxicité, stabilité, impact environnemental. Plusieurs actions de sciences participatives seront également engagées sur le terrain pour échanger avec les populations locales sur la chlordécone, et à travers la conception d’un jeu sérieux (serious game) visant à sensibiliser les populations, antillaises comme métropolitaine, aux enjeux de l’écocide.

MetHalo est constitué de cinq partenaires : Segula Engineering, l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), COVACHIM-M2E, ASSET, UMR Microbiologie, adaptation et pathogénie (MAP) (coordinateur).

Le projet REMED-CHlOR : recherche d’un procédé de remédiation des sols contaminés par la chlordécone, étude en laboratoire et à l’échelle pilote, application in-situ et approche socio-politique.

La chlordécone n’est biodégradable qu’en absence d’oxygène (anaérobie) ; le projet REMED-CHlOR explorera ainsi la remédiation des sols contaminés en anaérobiose (atmosphère sans oxygène) à l’aide de bactéries présentes dans différents environnements biogéographiques guadeloupéens – humidité, pente, etc. Les produits de dégradation de la chlordécone seront ainsi étudiés afin d’identifier les ensembles de bactéries les plus efficaces. Ces derniers seront utilisés pour détecter la présence de chlordécone et de ses métabolites, notamment dans l’eau.

REMED-CHlOR consacrera également l’un de ses volets à l’implication d’acteurs du monde agricole afin de tenir compte de la compatibilité entre les protocoles de remédiation et leurs pratiques agricoles. REMED-CHlOR étudiera aussi les adaptations et les modulations envisageables de la législation pour une agriculture durable et résiliente dans les zones contaminées. Des actions de communication envers le grand public et les scolaires seront mises en place.

REMED-CHlOR rassemble neuf partenaires : ECOFOG, l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (ISYEB), CREDDI, Skillcell (SKC), IRISSO, Modélisation et ingénierie des systèmes complexes biologiques pour le diagnostic (Sys2Diag), l’Université de Toronto, Polytechnique Montréal, et le laboratoire antillais Connaissance et valorisation : chimie des matériaux environnement, énergie, COVACHIM-M2E / Université des Antilles (coordinateur).

En savoir plus :

Consultez la liste des lauréats, sur la page de l’appel à projets

Communiqué de presse du 10 mars 2022 – Pollution par la Chlordécone aux Antilles: lancement d’un appel à projets sur les sols et les écosystèmes

IVème plan stratégique de lutte contre la pollution par la chlordécone (2021-2027)

Colloque scientifique « Connaître pour agir » du 12 au 14 décembre

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À PROPOS DE

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La Région Guadeloupe s’appuie sur l’assemblée délibérante du conseil régional de Guadeloupe, région française d’outre-mer. Le conseil régional est présidé par Ary Chalus et est composé de 41 conseillers régionaux, dont 9 vice-présidents. Le Conseil régional s’appuie sur 16 commissions sectorielles. Celles-ci émettent des observations et élaborent des propositions stratégiques et opérationnelles dans leurs domaines d’intervention. La Région Guadeloupe est compétente en matière de développement économique, innovation, de la gestion des programmes européens, de la formation professionnelle, apprentissage et alternance, l’enseignement secondaire et supérieur, l’aménagement du territoire et environnement et les transports. Les compétences partagées avec les autres collectivités s’articulent autour du tourisme (la Région est désignée chef de file pour le tourisme), la culture, le sport, la promotion des langues régionales, l’éducation populaire, la lutte contre la fracture numérique et aménagement numérique.

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