Cartographie : vers une meilleure navigation entre des cartes et images hétérogènes. Le projet ANR MapMuxing
Des applications telles que Google Maps ou le Géoportail de l’IGN permettent à chacun de visualiser des données géographiques hétérogènes, de passer d’une carte à une autre, ou encore d’interagir en effectuant un zoom. La combinaison de données (obtenir des détails sur un point d’intérêt tout en conservant une vue globale d’un itinéraire par exemple) ou la navigation entre les cartes restent cependant complexes. Ces problématiques sont également observables dans les usages avancés de l’information cartographique. C’est notamment le cas pour les acteurs opérationnels de la gestion des risques naturels qui consultent simultanément des cartes et des images multi-échelles à partir d’applications non connectées entre elles, et doivent combiner des données géographiques, météorologiques, ou océanographiques dans un temps contraint pour une prise de décision rapide.
Dans ce contexte, les chercheurs du projet ANR MapMuxing ont étudié différentes méthodes pour combiner plusieurs données géographiques dans une même représentation cartographique, et pour faciliter la navigation entre des représentations. Ils ont placé l’interdisciplinarité au cœur de leurs travaux en associant les apports de deux disciplines : les sciences de l’information géographique (SIG) et les interactions homme-machine (IHM).
Des continuums cartographiques pour fluidifier la navigation
Les chercheurs ont tout d’abord rencontré des experts de la gestion des risques de tsunamis afin d’identifier leurs besoins de visualisation selon les différentes phases d’intervention en cas de crise. Les besoins concernent la visualisation cartographique multi-thèmes et multi-échelles, la comparaison de données complémentaires, la visualisation animée de données spatiotemporelles (avant/après une catastrophe naturelle), des méthodes d’interaction multi-utilisateurs adaptées autour d’une table tactile ou d’un mur d’écran, ou encore une information synthétique et schématisée au cœur des salles de crise (par le biais d’infographies visualisées simultanément aux cartes d’urgence par exemple).
Leurs travaux de recherche ont ensuite porté sur la conception de continuums cartographiques, c’est-à-dire un ensemble de représentations intermédiaires plus ou moins continues, qui peuvent être utilisées dans des outils d’interface (zoom, loupes ou animations) pour naviguer de manière fluide entre des représentations aux échelles ou aux styles différents. Ils ont proposé des méthodes pour construire des continuums efficaces (Dumont et al., 2020) par généralisation cartographique qui est l’équivalent du résumé de texte pour une carte dont l’échelle diminue. Les travaux ont aussi étendu les techniques de conception de continuums de style à la navigation entre deux cartes avec des styles différents : d’IGN à OpenStreetMap et inversement.
Une plateforme libre dédiée à la recherche en généralisation cartographique, CartAGen, a ainsi été créée dans le cadre du projet et utilisée pour construire des continuums d’échelle.
Deux outils pour le multiplexage cartographique
Le projet a également abouti au développement de deux logiciels libres pour le multiplexage cartographique spatial et temporel, prototypés selon les besoins identifiés auprès des experts de la gestion des risques de tsunamis. Un premier outil, MapMosaic, a été proposé pour faciliter le multiplexage spatial de plusieurs représentations cartographiques dans la même visualisation (M.-J. Lobo et al., IJGIS, 2017). Il permet de mixer les données géographiques pour identifier les enjeux potentiellement impactés par un tsunami dans une commune, et les zones d’évacuation possibles. Un second outil, BAIA, a été proposé pour répondre à des problématiques de multiplexage temporal, soit l’enchainement de plusieurs représentations cartographiques. Il permet de concevoir des animations avant/après entre images satellites (M.-J. Lobo et al., IEEE, TVCG, 2019). Quand MapMosaic peut être utilisé avant l’arrivée d’un tsunami, BAIA peut se révéler utile après la catastrophe pour évaluer les dégâts et guider les secours.
Au-delà des méthodes proposées pour la conception de continuums cartographiques et des outils développés, le projet a contribué à une meilleure intégration des pratiques entre les communautés scientifiques des SIG et des IHM. Le projet ANR MapMuxing (2014-2019), coordonné par Guillaume Touya (IGN – LASTIG), associe l’équipe ILDA de l’INRIA Saclay et l’UMR GRED de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3.
Références :
- M.-J. Lobo, C. Appert, E. Pietriga, Animation Plans for Before-and-After Satellite Images, IEEE Transactions on Visualization and Computer Graphics (TVCG), Volume 25, Number 2, pages 1347-1360, 2019
- M.-J. Lobo, E. Pietriga, C. Appert, MapMosaic: Dynamic Layer Compositing for Interactive Geovisualization, International Journal of Geographical Information Science, 31 (9), 2017, pp. 1818-1845.
- M. Dumont, G. Touya, C. Duchêne, Designing Multi-Scale Maps: Lessons Learned from Existing Practices. International Journal of Cartography 6 (1), 2020, pp. 121–151.
- J. Ory, G. Touya, C. Hoarau, S. Christophe, How to Design a Cartographic Continuum to Help Users to Navigate between Two Topographic Styles? In Proceedings of the 2017 International Cartographic Conference. Washington DC, USA: ICA, 2017.