De l’imaginaire à l’imaginable : retour sur Demain, mais en mieux !
Demain, mais en mieux !, c’est l’improbable mariage de l’imaginaire et de l’imaginable. Dans un décor futuriste (une station lunaire), sorcières, maîtres Jedi, elfes, chevaliers en cotte de maille et autres vikings se sont pressés pour échanger avec les scientifiques de grands organismes de recherche comme le CNRS, le CEA, le Cnes, l’Agence spatiale européenne (ESA) mais aussi Ariane Group, Airbus, La Rotonde Saint-Etienne, ou encore le Laboratoire souterrain de Modane. Cinq projets de recherche ANR et leurs avancées scientifiques étaient présentés sur le stand de l’ANR autour de l’intelligence artificielle, la chirurgie reconstructrice, l’énergie verte, la robotisation industrielle et la numérisation du patrimoine. Tout au long du weekend, plus de 29 000 visiteurs ont déambulé sur l’ensemble du festival Yggdrasil, dont une large partie d’entre eux est passée par Demain, mais en mieux !. Un succès confirmé pour la deuxième édition de cette exposition, et la première participation de l’ANR.
Sur le stand de l’ANR, non loin de l’Académie de Sabre Laser de Lyon et des Jedi de l’Ouest, les cosplays des visiteurs n’ont pas semblé perturber les scientifiques. Plus amusés que déboussolés face à un public éclectique, amateur de pop culture, d’univers fantastiques et de science-fiction, mais surtout curieux et venu en nombre pour participer aux ateliers interactifs, ils s’étaient mobilisés pour présenter leurs projets de recherche. « C’est vrai que nous avons plutôt l’habitude des salons professionnels », s’amuse Jean-Pierre Gazeau, chercheur à l’Institut P’ : Physique et Ingénierie en Matériaux, Mécanique et Énergétique (Institut P’, CNRS) et directeur du laboratoire commun ANR MACH4 avec l’éditeur de logiciel Iteca. MACH 4 est à l’origine d’une main bionique permettant de faciliter le travail des opérateurs en milieu industriel. Les scientifiques ont ainsi créé une interface logicielle permettant de simuler et de piloter des machines à travers des outils de réalité virtuelle. Leurs équipements s’adressent à l’industrie manufacturière, en particulier dans le domaine de la défense et du nucléaire : ces jumeaux numériques permettent de réaliser des interventions à distance et de limiter les risques lors de gestes auparavant effectués par des humains. Sur place, leur maquette pédagogique permet aux visiteurs, coiffés d’un casque de réalité virtuelle et à l’aide d’une main bionique, de s’essayer à la manipulation d’un portique piloté par un écran tactile. L’objectif : déplacer des palets de couleurs, opération largement plus complexe qu’il n’y parait.
Parmi les moments forts de ce weekend, la venue d’Arnaud Prost, membre de la réserve du Corps européen des astronautes de l’ESA, dès l’ouverture de l’exposition le samedi ; l’après-midi la professeure Sylvie Testelin est intervenue sur le stand de l’ANR. En 2005, elle comptait parmi les chirurgiens, avec Bernard Devauchelle, qui ont réalisé la première transplantation de visage au monde – celle d’Isabelle Dinoire. Ils ont fondé ensemble en 2009 l’Institut Faire Faces, un centre de recherche, d’enseignement et d’information dédié à la chirurgie réparatrice du visage. Au côté de l’équipe du projet ANR Figures, soutenu par le plan France 2030, Sylvie Testelin a présenté les travaux du projet et ceux de l’Institut, et notamment le robot chirurgien CARLO, développé par la société suisse Advanced Osteotomy Tools – AOT AG. Grâce à une technologie de laser par le froid guidé par ordinateur, CARLO est capable d’effectuer des coupes osseuses d’une très grande précision… sans jamais toucher l’os. Afin de sensibiliser le public, un dispositif d’eye tracking permettait d’analyser le regard de ceux qui le portent sur la défiguration.
Face à des visiteurs a priori pas forcément captifs, mais définitivement captivés, le projet ANR Asmodee, porté par le Laboratoire d’InfoRmatique en Image et Systèmes d’information (LIRIS, CNRS / INSA Lyon / Université Claude Bernard) et la Maison des mathématiques et de l’informatique de Lyon (MMI), a lui aussi convaincu le public. « A la MMI, qui est un lieu de médiation des savoirs dédié aux sciences mathématiques et informatiques, nous avons plutôt l’habitude de nous adresser à des publics éloignés de ces thématiques, notamment les plus jeunes », explique Elsa Maneval, normalienne en mathématiques et médiatrice pour l’exposition. Grâce à une approche ludique, Asmodee vise à faire comprendre au plus grande nombre l’intelligence artificielle sans utiliser d’ordinateur : ici, on affronte une drôle de machine construite à partir de boîtes d’allumettes (quelques centaines) qui apprend à jouer au morpion en suivant les mécanismes de l’apprentissage par renforcement. Chacune des boîtes est remplie de perles de couleurs. Lorsque la machine remporte la partie, elle est récompensée par une perle de la couleur qui l’a faite gagner. Au fur et à mesure des parties, l’équilibre aléatoire des perles dans chaque boîte est rompu, la machine devient plus « forte ». Ce projet est par ailleurs lauréat du premier appel à projets Science avec et pour la société de l’ANR « Médiation et communication scientifiques ».
Parce que qu’un Demain, mais en mieux ! ne saurait se penser sans la recherche autour d’énergies plus vertes, le projet Stellar et son prototype inédit occupait une large place sur le stand de l’ANR. L’objectif de ce projet : construire un nouveau système énergétique sans émission de gaz à effet de serre à travers l’étude des propriétés des particules métalliques, potentiel carburant renouvelable alternatif. Le dispositif, présent pour l’exposition, permet ainsi de transformer du magnésium par exemple en une énergie qui pourrait être utilisée pour les transports du futur. Autrement dit, il est capable de produire de l’électricité à partir de combustion de poudre de magnésium. Les scientifiques ambitionnent de lever de nombreux verrous potentiels, notamment la possibilité de dépasser l’échelle du laboratoire pour la production et la régénération des particules en utilisant l’énergie solaire concentrée. Autre défi : miniaturiser le dispositif, à l’image des ordinateurs il y a quelques décennies, dans les prochaines années.
« Si je m’attendais à voir un chevalier aujourd’hui », se réjouit Lionel Palun de l’Equipex IrDIVE qui fait découvrir son projet de réalité virtuelle, Psychédrale, une expérience esthétique et immersive mêlant captation vidéo en temps réel et images de synthèse nous projetant dans une cathédrale virtuelle. Avec plusieurs dispositifs distincts à Demain, mais en mieux !, IRDIVE, Plateforme pour les recherches interdisciplinaires en sciences et cultures du visuel, rassemble plus d’une centaine de chercheurs issus de six laboratoires en sciences humaines et sociales, en psychologie et neurosciences cognitives et en sciences et technologies de l’information et de la communication. IRDIVE a permis le développement de dispositifs de visualisation particulièrement avancés, prenant appui sur les avancées technologies en réalité virtuelle et en réalité augmentée.
En témoigne également, juste à côté de l’installation de Lionel Palun, la borne d’Holusion, entreprise française spécialiste de l’affichage digital innovant en hologrammes travaillant de longue date avec l’Université de Lille, pour la présentation de projets culturels. Se dévoilent sous les yeux des festivaliers des orfèvreries médiévales en trois dimensions, à l’image du pied de croix de l’Abbaye de Saint Bertin ou encore de la plaque de Gédéon et la Toison. Leur objectif est, ici, de proposer des outils de numérisation pour le stockage, l’enrichissement et la valorisation d’objets du patrimoine peu accessibles à l’œil nu. Parmi les applications possibles, ces outils pourraient accompagner les publics de sites culturels, ou encore les conservateurs et les restaurateurs.
Troisième et dernière présentation des scientifiques d’IRDIVE, la reconstitution à travers un outil unique en son genre, le TORE (The open reality experience), un dispositif de réalité virtuelle comprenant un écran courbé dans toutes ses dimensions et dénué d’arête. Pour l’occasion, ils proposent la reconstitution d’un événement majeur de l’histoire de France (et en total immersion), le camp du Drap d’or ou la première rencontre de François Ier et Henri VIII en 1520, face à un public ouvert enclin à tester et toucher le matériel à sa disposition.
Sur le stand de l’ANR mais aussi du côté de chacun des exposants, les scientifiques et leurs projets innovants ont su susciter la curiosité de tous. Avec un même enjeu : transmettre leurs passions au plus grand nombre. L’objectif est atteint.
Plus d’informations :
L’Equipex Figures est coordonné par le CHU de Amiens avec comme partenaires Plugmed Heart SAS, l’Université Technologique de Compiègne, l’Institut Faire Faces, le CEA Saclay, GIE Faire Faces, l’Université de Picardie Jules-Verne Amiens
Le projet Stellar est coordonné par l’Institut de combustion, aérothermique, réactivité et environnement (CNRS-ICARE) avec comme partenaires le Laboratoire de gestion des risques et environnement (LRGE) et PROMES Laboratoire procédés, matériaux, énergie solaire.
L’Equipex IrDive, financé dans le cadre du plan France 2030, est une plateforme technologique innovante installée, sous la tutelle du CNRS et de l’Université de Lille, sur le site de la Plaine Images à Tourcoing.