Femmes et hommes dans l’Appel à projets générique (AAPG) : l’ANR poursuit et enrichit ses analyses
Ces engagements se déploient de manière transversale dans l’ensemble des missions confiées à l’agence, en particulier dans le cadre de ses processus de sélection afin de lutter contre les biais potentiels de genre dans l’évaluation des projets.
Afin d’y parvenir, plusieurs principes et actions sont mis en œuvre comme la recherche systématique d’une parité dans les comités d’évaluation scientifique (CES), la formation des présidents et présidentes de comité, l’introduction de CV narratifs à renseigner en ligne au moment de la soumission d’un projet comportant notamment un onglet dédié aux interruptions de carrière ou encore l’analyse des données de soumission et de sélection des projets.
Produire et publier des analyses récurrentes sur ces données permettent de repérer d’éventuels biais de genre dans l’évaluation, donnent aussi à voir l’évolution des pratiques des femmes et des hommes en termes de réponse aux appels à projets de l’ANR et témoignent des enjeux sociaux de genre également à l’œuvre dans le champ de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR).
Les analyses produites et présentées ici portent sur l’Appel à projets générique (AAPG) sur la période 2015 – 2020. Elles s’inscrivent dans la continuité de celles publiées en 2019. Elles offrent une actualisation des données, intégrant les éditions 2019 et 2020 et sont enrichies de nouveaux indicateurs.
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à soumettre des projets
Si la part des projets portés par des femmes correspond à la part des femmes dans l’ESR, elle augmente de 5 points entre 2015 et 2020 (2 021 projets déposés en 2015 vs 2 257 projets en 2020). En revanche, le nombre de projets portés par des hommes est en baisse constante (4 872 projets déposés en 2015 vs 4 313 en 2020).
Ces tendances sexuellement différenciées s’inscrivent dans un mouvement engagé ces dernières années dans la lutte contre les inégalités traduite dans la loi de transformation de la fonction publique (2019) rendant obligatoire la mise en place d’un plan d’action égalité dans les établissements selon le référentiel décrivant les champs d’action obligatoires et prioritaires.
Ces tendances pourraient donc être le signe d’un remaniement de la division du travail entre les femmes et les hommes au sein des laboratoires avec toutefois des différences marquées en fonction des domaines disciplinaires1.
De fortes disparités selon les champs disciplinaires
La répartition des projets selon qu’ils sont portés par des femmes ou par des hommes dans chaque grand domaine scientifique est globalement le reflet de la proportionnalité des femmes et des hommes au sein de ces domaines au niveau national2, avec quelques disparités.
C’est en Sciences humaines et sociales que la part des projets portés par les femmes est la plus importante en cohérence avec la proportion de femmes dans ce domaine scientifique. En revanche, la proportion des projets portés par les femmes en Biologie-Santé (36.6%) n’est pas représentative de leur présence dans leur domaine où elles sont largement majoritaires (plus de 60%)3.
Toujours plus de « jeunes chercheuses »
L’augmentation des projets portés par les femmes se retrouve dans chacun des instruments de l’AAPG tout en restant toujours plus importante dans l’instrument Jeunes chercheurs-Jeunes chercheuses (JCJC) (+6 points) auquel les femmes sont potentiellement éligibles plus longtemps que les hommes au regard des dérogations accordées lorsqu’elles ont des enfants.
Que les femmes investissent préférentiellement cet instrument peut également témoigner du fait qu’elles sont dans le cumul de preuves de leurs compétences4 et l’obtention d’un statut supérieur dans la hiérarchie académique avant de s’autoriser à déposer des projets de plus grande envergure comme des projets collaboratifs de type PRC ou PRCE.
L’âge des coordinatrices de projets sensiblement différent de celui des coordinateurs
Parmi les projets JCJC financés, l’âge des coordinateurs et des coordinatrices diffère en ce que les hommes sont plus jeunes que les femmes : 40% d’entre eux ont moins de 34 ans, contre seulement 34% des femmes.
Cela témoigne de l’âge plus élevé auquel les femmes accèdent à un poste statutaire. Elles rencontrent en effet une plus grande difficulté d’accès aux postes académiques (6 à 8 ans après la thèse contre 3 à 4 ans pour les hommes) et occupent majoritairement les emplois les plus précaires (post-doctorats, CDD de recherche, vacations) qui ne leur permettent pas d’être éligibles aux appels à projets en tant que coordinatrices5.
Cela témoigne également de l’impact des maternités sur l’activité professionnelle qui retardent potentiellement de quelques années la réponse aux appels à projets.
En conséquence, les femmes sont coordinatrices de projet collaboratifs PRC et PRCE à un âge plus élevé que celui des hommes. Elles sont particulièrement présentes dans la tranche d’âge 45-49 ans, celle-là même où la présence des hommes commence à diminuer.
Références :
1 Catherine Marry, « Le plafond de verre dans le monde académique : l’exemple de la biologie », Idées économiques et sociales, n°153, 2008 ; Alain Chenu & Olivier Martin, « Le plafond de verre chez les enseignants-chercheurs en sociologie et démographie », Travail, Genre et Sociétés, 2016.
2 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/276854.pdf
3 Des analyses supplémentaires sont nécessaires afin de comprendre la nature des écarts par rapport aux données nationales.
4 Rebecca Rogers & Pascale Molinier (ss dir.), Les femmes dans le monde académique. Perspectives comparatives, PUR, 2016.
En savoir plus :
Plan d’action égalité 2020-2023
Les engagements de l’ANR pour l’égalité femmes-hommes et la prise en compte du genre
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Analyse femmes – hommes dans l’AAPG : entretien avec Laurence Guyard, référente Genre à l’ANR