Financement de la recherche : quelles avancées pour l’égalité de genre ?

L’ANR actualise son document Femmes et hommes de sciences dans l’AAPG avec les données de l’édition 2024. Quels sont les objectifs de ces analyses récurrentes ?

Laurence Guyard : En cohérence avec ses engagements renouvelés dans le cadre de son deuxième plan d’action égalité 2024-2027, l’ANR exerce une veille sur l’évolution des pratiques des femmes et des hommes de science en réponse aux appels à projets et plus particulièrement sur l’appel à projets générique. En effet, cet appel qui s’adresse à tous les domaines scientifiques, constitue un terrain d’observation privilégié. Ces analyses des données de dépôt et de sélection permettent également de vérifier que des biais de genre ne s’immiscent pas dans le processus de sélection. Publier ces analyses s’inscrit bien évidemment dans une démarche de transparence mais vise aussi à donner à voir aux communautés qu’elles sont leurs pratiques pour qu’elles puissent s’emparer des résultats pour les faire évoluer.

En 2024, on observe que toujours plus de projets sont portés par des femmes.

L. G. : L’actualisation avec les données de l’édition 2024 montre effectivement que les tendances amorcées depuis 2015 se confirment, à savoir que le pourcentage de projets déposés par des femmes est en augmentation constante. En effet, même si les projets déposés à l’AAPG sont portés en grande majorité par des hommes (67,3 % d’hommes contre 32,7 % de femmes sur l’ensemble de la période), on constate toutefois une légère et constante augmentation des projets coordonnés par des femmes passant de 29,3 % en 2015 à 34,7 % en 2024. Ces proportions sont par ailleurs en cohérence avec celles du vivier des effectifs dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR).

Bien sûr, toujours en cohérence avec les effectifs nationaux, la proportion de projets déposés par des femmes diffèrent en fonction des domaines scientifiques. Sans surprise, c’est en sciences humaines et sociales où cette proportion atteint 49 % alors qu’elle n’est que de 17,7 % en Numérique et mathématiques.

L’instrument de financement plus particulièrement investi par les femmes reste celui dédié aux Jeunes Chercheurs et Jeunes Chercheuses (JCJC) dans lequel elles portent 39,4% des projets déposés en 2024.

Au-delà de ces tendances, on observe aussi que le taux de succès est en augmentation pour les femmes.

L. G. : Effectivement, un des résultats le plus enthousiasmant est relatif aux taux de succès des femmes. Si ce taux reste légèrement inférieur à celui des hommes sur l’ensemble de la période, l’écart tend à se réduire pour atteindre l’équilibre en 2022 puis à dépasser celui des hommes en 2024 avec un taux de 26 % pour les femmes contre 24 % pour les hommes.

Là où le résultat est particulièrement encourageant, c’est au niveau de l’instrument Projet de recherche collaborative (PRC). Alors que le taux de succès des femmes a toujours été inférieur à celui des hommes sur la période 2015-2023, on enregistre une augmentation de trois points en faveur des femmes en 2024 atteignant un taux de succès de 25 %, équivalent à celui des hommes. Et pour l’instrument JCJC, le taux de succès des femmes reste supérieur de quatre points, confirmant la tendance amorcée dès l’édition de 2021. Ces résultats très positifs traduisent probablement l’impact des plans d’action égalité mis en place dans les établissements et les organismes de recherche et une prise de conscience plus affirmée de l’existence des biais de genre par les scientifiques impliqués dans l’évaluation. Cela est aussi certainement à mettre sur le compte des actions de sensibilisation conduites auprès des présidentes et des présidents de comité.

Justement, la parité s’est-elle vue renforcée dans les comités d’évaluation en 2024 ?

L. G. : En 2024, les femmes représentaient 41 % des membres des 57 comités de l’AAPG contre 29% en 2019 ou 36% en 2022. La présence des femmes, si elle ne garantit pas l’absence de représentations genrées, offre toutefois une plus grande ouverture aux approches scientifiques qui sont sexuellement différenciées et par conséquent une meilleure appréciation de propositions de recherches portées par des femmes. C’est en ce sens que la parité est importante. Mais la participation des femmes à ces activités d’évaluation est aussi cruciale afin qu’elles puissent au même titre que les hommes tirer les bénéfices d’une telle participation qui représente l’opportunité de faire du réseau, d’enrichir son CV et d’augmenter ses propres chances de succès en réponse à un appel en ayant une meilleure compréhension des attentes d’un comité d’évaluation.

Quelles actions de sensibilisation sont à poursuivre et à renforcer ?

L. G. : Même si les résultats sont très positifs, ils restent fragiles comme nous le rappelle le contexte politique international. Il convient par conséquent de rester vigilant, de poursuivre les analyses de nos données, d’en rendre compte et de renforcer aussi nos actions de sensibilisation. Nous sommes actuellement en train de développer des supports de formation diversifiés qui s’adresseront non seulement aux présidentes et présidents de comité mais aussi à l’ensemble des membres de comité, expertes et experts, prenant part à nos processus d’évaluation. Le personnel ANR est également formé en interne pour un meilleur accompagnement des communautés.

En savoir plus 

Téléchargez l’analyse 2015-2024

« La prise en compte du sexe et du genre renouvelle les savoirs scientifiques » – cnrs.fr 

Le genre dans l’AAPG 2022 et 2023 – data anr 

L’Agence nationale de la recherche obtient le label Égalité professionnelle 

Le guide de communication inclusive sans stéréotype de genre 

À lire

Le Genre en recherche. Évaluation et production des savoirs, éditions Quae, Laurence Guyard, Magalie Lesueur-Jannoyer et Angela Zeller (dir.), décembre 2024

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