Les nouvelles orientations de l’ANR pour soutenir la recherche
Trois mois se sont écoulés depuis votre prise de fonction en septembre. Quel premier bilan en tirez-vous ?
Claire Giry : Ces premiers mois ont confirmé ce que j’avais déjà eu l’occasion de constater de l’extérieur dans mes fonctions précédentes. L’ANR est une agence robuste, dont le fonctionnement s’appuie sur des équipes très professionnelles et engagées. Dès les premières semaines, j’ai également noté une grande réactivité et une ouverture à des évolutions possibles tant sur les questions du fonctionnement interne que pour la mise en œuvre de nouvelles orientations stratégiques.
Les nombreuses évolutions et mesures déployées ces dernières années ont permis à l’ANR de renforcer la place de la recherche sur projets au sein de l’écosystème français, et de maintenir un niveau de recherche guidée par la curiosité de qualité, aux côtés des financements des institutions et des programmes dirigés à travers France 2030, dont l’ANR est un opérateur pour le compte de l’État.
La loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) a en effet significativement renforcé les moyens de l’Agence. La trajectoire inscrite pour l’ANR dans la LPR a d’ores et déjà permis une progression très significative des taux de sélection des projets, désormais proches des standards internationaux, tout en assurant une progression du financement des projets. Aujourd’hui, environ un projet sur quatre projets déposés est financé, là où les taux de succès se situaient entre 10 et 17 % entre 2013 et 2017.
Les engagements de l’ANR en matière de simplification ont également porté leurs fruits et la charge de travail des scientifiques et des gestionnaires a été allégée pour le dépôt des dossiers et le suivi des projets soutenus.
Les résultats des baromètres de satisfaction effectués par l’Agence auprès de ses publics utilisateurs montrent qu’ils sont satisfaits de notre fonctionnement et de l’évolution de nos procédures, services et outils. Cela est vrai tant pour le Plan d’action que pour France 2030. Il ne faut pas s’arrêter pour autant, mais rester à l’écoute des acteurs.
Les premiers mois de votre mandat se sont déroulés dans une situation inédite d’instabilité politique et budgétaire. Quelles en seront les conséquences sur les engagements de l’ANR en 2025 ?
Claire Giry : Notre action et notre rôle dans l’écosystème de recherche et d’innovation sont bien compris. J’ai passé ces derniers mois beaucoup de temps à échanger avec les députés et sénateurs, qui préparaient la loi de finances. Cela a été l’occasion de rappeler l’importance de l’ANR et son mode de fonctionnement, ses contraintes aussi. Nous avons été soutenus par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), dans un contexte de forte tension sur les finances publiques.
Notre budget a in fine été arbitré à un niveau qui n’est pas celui de la LPR. Avec le MESR, nous avons convenu qu’il était important de préserver au maximum le taux de sélection des projets. Le taux de préciput sera maintenu. Pour y parvenir, il nous faudra ajuster certains calendriers de versements. La discussion avec les opérateurs de recherche permet de faire en sorte que cela n’entraîne pas de retard dans la mise en œuvre des projets.
Dans le cadre de votre mandat, quelles orientations stratégiques souhaitez-vous donner à l’ANR ?
Claire Giry : Dans un contexte national et international complexe, notre positionnement doit évoluer pour que l’ANR soit à la fois une agence de financement au service de la compétitivité de la recherche française et une institution à même de conseiller le ministère en charge de la Recherche et le gouvernement, en matière de recherche sur projets.
En renforçant le travail sur l’impact de nos dispositifs et en le rendant plus visible, en l’analysant collectivement, nous pourrons formuler des propositions sur les instruments efficaces pour l’attractivité et la compétitivité de la recherche française.
Le travail de structuration a été fait, à partir des jeux de données de l’Agence (Cahiers thématiques, Focus, Synthèses régionales France 2030, etc.). Ces données, regroupées depuis début 2024 sur data anr, une plateforme interactive qui propose un large éventail de jeux de données associés à des visualisations sur les appels, programmes et projets opérés par l’Agence, représentent une richesse dont l’analyse approfondie permettra d’élaborer de nouvelles idées pour la recherche française.
Elles reposeront également sur les échanges avec les communautés scientifiques, les institutions de recherche, notre tutelle et les partenaires internationaux de l’ANR (Science Europe, Global Research Council, etc.).
Quels seront les chantiers mis en œuvre prioritairement ?
Claire Giry : Avec la publication du rapport d’évaluation du Hcéres au printemps, la préparation d’un nouveau plan d’action triennal 2026-2028 en avril, la signature du prochain contrat d’objectifs et de performance entre l’État et l’ANR pour la période 2026-2030, mais aussi la réflexion sur l’après France 2030, plusieurs rendez-vous importants attendent l’ANR l’an prochain.
Nous sommes donc en train de mettre en place des groupes de travail internes afin de réfléchir dès maintenant aux idées et aux sujets qui seront à travailler.
Ces groupes de travail se pencheront, notamment, sur trois sujets prioritaires :
- les instruments d’attractivité pour les chercheurs et chercheuses de haut niveau en France ;
- l’articulation entre les programmes nationaux et les programmes européens, pour favoriser l’implication des équipes de recherche françaises dans les projets européens ;
- le renforcement de l’efficacité des instruments pour l’innovation et la recherche partenariale.
Ce sont des sujets qui pourront être ensuite travaillés plus finement dans le cadre de la programmation de l’ANR, dans le cadre des Comités de pilotage de la programmation (CPP), ou discutés avec le SGPI.
Nous avons par ailleurs à travailler à nos interactions avec les agences de programme, qui se mettent en place, et participeront aux CPP. Réciproquement, l’ANR ouvrira des données et produira des analyses pour alimenter les exercices de cartographie et d’analyse stratégique réalisés par les agences de programme. Notre articulation et celle de nos modalités d’intervention (appel à projets basé sur la curiosité d’une part, et recherche dirigée d’autre part) doivent être très lisibles par les communautés scientifiques.
En matière d’organisation et d’évolution des modalités de travail, des actions sont-elles envisagées ?
Claire Giry : Nous poursuivrons l’adaptation de nos pratiques, en trouvant le juste équilibre entre idées nouvelles et stabilité.
En interne, je pense que nous avons besoin de réfléchir au renforcement des transversalités entre le Plan d’action et France 2030, entre les disciplines scientifiques, et entre l’administration et le pilotage scientifique.
Nous nous tiendrons également prêts à consolider et poursuivre le travail engagé sur la simplification. Nous approfondirons aussi les réflexions déjà engagées sur l’allègement des justificatifs financiers à demander aux bénéficiaires.
Enfin, aux côtés de nos partenaires européens et internationaux, nous participerons aux discussions sur la prise en compte des enjeux du développement durable dans l’évolution des pratiques. En octobre dernier, l’ANR était d’ailleurs l’un des signataires de l’accord de Heidelberg sur l’engagement des financeurs de la recherche pour la durabilité environnementale.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA), comme dans tous les secteurs d’activités, nous serons impactés dans nos modes de fonctionnement, et c’est très intéressant d’y réfléchir. C’est un sujet sur lequel nous travaillons activement en interne, et également dans le cadre de Science Europe. Il y a, par exemple en Suisse, une réflexion en cours sur la relecture des rapports des comités de sélection par l’IA. Cette assistance à la rédaction des rapports des comités pourrait ainsi être une piste de travail intéressante à explorer. Il y en a d’autres, bien sûr. L’IA sera particulièrement présente dans les débats et l’activité de l’ANR l’an prochain. À l’occasion du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle des 10 et 11 février 2025, l’ANR mettra ainsi en lumière des projets soutenus dans le cadre de son Plan d’action et de France 2030.
Créée en 2005, l’ANR célèbrera ses 20 ans l’année prochaine. Pouvez-vous nous en dire plus sur les actions prévues à cette occasion ?
Claire Giry : Tout au long de l’année, nous mettrons en avant les faits marquants et les projets soutenus ces 20 dernières années, avec comme objectif d’apporter un nouvel éclairage sur les missions de l’Agence et sur les travaux de recherche réalisés par les chercheurs et les chercheuses dans le cadre des projets soutenus par l’ANR. Nous ne sommes qu’une partie de leur histoire, mais elle a parfois été décisive !
Le programme sera dévoilé progressivement et donnera lieu à plusieurs temps forts, pour dresser le bilan de 20 années d’engagement au service de la recherche et des scientifiques, tout en s’inscrivant dans une démarche de réflexion sur l’avenir. Nous vous donnons rendez-vous dès janvier pour plus d’informations sur le dispositif qui accompagnera cet anniversaire.
En savoir plus
Claire Giry est nommée Présidente-directrice générale de l’Agence nationale de la recherche (communiqué de presse du 10/07/2024)
Plaquette « Simplification et services aux utilisateurs : les mesures mises en place depuis 5 ans » (décembre 2023)
Nouvelles mesures de simplification pour les actions France 2030 opérées par l’ANR (actualité du 28/02/2024)
L’ANR à l’écoute de ses publics utilisateurs (actualité du 26/06/2024)
L’Agence nationale de la recherche lance data anr, une plateforme interactive dédiée au partage de ses données ouvertes (actualité du 15/02/2024)