« Nouveaux cursus à l’université » de France 2030 : les nombreux chemins vers les réussites à l’université
Action phare de France 2030 en soutien à la transformation de l’enseignement supérieur, NCU ambitionne d’offrir aux étudiants et étudiantes un nouveau « contrat de réussite » adapté à leur profil et à leur projet. Qu’il s’agisse d’une insertion professionnelle réussie au niveau bac +1, bac+3 ou d’une poursuite d’études valorisante au niveau bac+5. Lors des deux vagues de l’appel à projets de 2017 et 2018, trente-six projets, regroupant plus de 70 établissements répartis sur tout le territoire national, ont été sélectionnés, pour un montant total de 326 M€.
Pour Philippe Lalle, responsable d’action NCU à l’Agence nationale de la recherche : « La transformation du premier cycle universitaire fait face à un double défi : celui de la massification et de l’adaptation à chaque étudiant. Notre système universitaire a ceci de vertueux – et complexe – qu’il accueille tous les étudiants en première année, sans sélection ou presque. Cela conduit fatalement à des parcours hétérogènes, parfois à reconfigurer en cours de route ». Ce double défi doit donc mener à plus de réussites via et pour des cheminements différents, au travers de cursus plus flexibles.
Un réseau national pour des enjeux multiples
Dès le déploiement, une communauté de plus de 300 lauréats s’est assez naturellement constituée et organisée en réseau. Elle est actuellement animée par quatre co-animateurs, Sacha Bensahel-Mercier, Cécile Picard-Limpens, Pierrick Roberge et Hugo Crovello, accompagnés par Sophia Nunes en tant que chargée de projet. Pourquoi était-ce si important de former et surtout d’animer ce réseau national ? « Ce réseau s’est spontanément constitué dès 2018-2019, entre projets qui avaient besoin de partager : tout d’abord l’organisation de leurs projets, leurs premières réalisations, leurs relations avec l’ANR… Ils ont ensuite échangé sur l’arrivée de l’échéance de l’évaluation à 4 ans (en 2022 et 2023) de l’action par le jury international constitué par l’ANR, ajoute Philippe Lalle. Il y avait en effet à la clé un enjeu de go / no go pour les projets. Ils souhaitaient aussi instaurer un cadre pour échanger sur ce qui marche…et ce qui ne marche pas, en partant du principe que l’action NCU porte en son sein cette possibilité de tester, essayer, risquer en somme, avec un relatif droit de se tromper pour mieux avancer ». Un processus agile, à l’image de la philosophie globale de NCU qui considère les redirections de parcours comme une étape possible de la vie d’un étudiant, sans drame ni complexe.
« Bien sûr, après cette échéance « administrative » liée à la poursuite ou non des projets, le but de cette communauté est maintenant d’essaimer les bonnes pratiques, y compris au sein d’établissements non lauréats. En postulant qu’une bonne idée qui fonctionne pour une université peut potentiellement se déployer dans un autre territoire aux enjeux socio-économiques similaires par exemple. »
Le jury international, à l’issue de ses deux sessions de 2022 et 2023 d’évaluation des projets des vagues 1 et 2, a recommandé à l’ANR l’organisation d’un colloque de mi-parcours. Philippe Lalle, en tant que responsable d’action, a souhaité organiser cet événement en liaison très étroite avec les pilotes du réseau NCU avec l’objectif affirmé de mettre en avant les travaux de recherche portant sur les initiatives déployées dans ces projets, et de favoriser les échanges de bonnes pratiques et l’essaimage de celles-ci, y compris auprès des représentants du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, présents durant les présentations. A travers 126 contributions, les lauréats ont pu échanger sur les thématiques principales en jeu : nouveaux outils pédagogiques, flexibilisation des parcours, formation des enseignants, ancrage socio-économique et territorial, réorientation, professionnalisation… De là à entrevoir ces Nouveaux Cursus comme des laboratoires de futures actions institutionnelles favorisant la réussite des étudiants, il n’y a qu’un pas.
Le comité d’organisation du colloque NCU. De gauche à droite : Sacha Bensahel-Mercier (projet D.Clic, université Gustave Eiffel), Cécile Picard-Limpens (projet NewDeal, université de Bordeaux), Pierrick Roberge (projet CUPS, CY Cergy Paris Université), Philippe Lalle (ANR-DGPIE), Hugo Crovello (projet L@UCA, université Côte d’Azur), Sophia Nunes (université Gustave Eiffel, chargée de mission du réseau NCU).
Une réussite, des réussites ?
Mais qu’évoquons-nous exactement par la notion de réussite des étudiants ? Philippe Lalle souligne que « ces réussites sont plurielles, également dans leurs définitions ». Charge au réseau NCU de formaliser ces définitions et de concevoir un « observatoire commun » comme annoncé en fin de colloque, pour quantifier, évaluer et partager leurs multiples incarnations. « La réussite ne peut se quantifier uniquement par les chiffres et les statistiques. Nous pouvons distinguer la réussite chiffrée au diplôme, celle des statistiques nationales (« j’ai obtenu ma licence en 3 ans »), la réussite personnelle (« j’ai trouvé ma voie »), la réussite sociétale (« j’ai trouvé un emploi »), mais également la réussite perçue à travers le regard des parents…». En effet, la validation d’un cursus en trois ans dans une discipline n’implique pas forcément un sentiment de réussite et d’accomplissement personnels à l’échelle individuelle, notamment si l’étudiant se retrouve en perte de sens, ce qui peut générer frustration et difficultés d’insertion professionnelle. A l’inverse, la redirection éclairée à mi-parcours d’une première année vers un nouveau cursus, ou l’obtention d’un Diplôme universitaire (DU) de niveau bac + 1 peuvent avoir un effet valorisant et vertueux sur le long terme pour l’étudiant. C’est tout cela que la notion de réussite doit intégrer. « Prenons l’exemple d’un étudiant qui abandonne sa L1, ajoute Philippe Lalle, celui-ci sort des bases de données mais est peut-être entré en BTS l’année suivante, en ayant bénéficié entre temps d’une remédiation en Français, en ayant glané des méthodes de travail et surtout déterminé ce qu’il ne veut plus faire. C’est, en matière de chiffres pour l’université, classiquement un « échec » mais une expérience bien mise à profit sur le plan humain pour l’étudiant. »
Des compétences au cœur des transformations des cursus
Ces compétences prodiguées par l’université censées assurer la réussite et améliorer l’insertion professionnelle sont au centre de l’action NCU. Notamment à travers « l’approche par compétences », notion théorisée par Jacques Tardif, professeur à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la pédagogie universitaire. « Dans un diplôme de type master, l’étudiant doit acquérir 5 ou 6 compétences à ne pas confondre avec le savoir-faire, par exemple technique. Maîtriser une compétence, c’est être capable de mobiliser les ressources dont on dispose face à une problématique professionnelle complexe. Dans l’approche par compétences, on mobilise toute l’équipe pédagogique qui décloisonne les disciplines afin de déterminer ces fameuses compétences, par nature transverses, que l’étudiant doit pouvoir mobiliser à un certain niveau d’études, quel que soit son parcours. » Un vœu pieu qui s’avère parfois subtil, long et difficile à mettre en œuvre dans le réel : il faut pouvoir définir ce que l’on va enseigner, les modalités de transmission et comment en évaluer l’apprentissage. Plusieurs projets NCU s’inspirent de cette méthode, de manière parfois partielle. C’est le cas du projet NEXUS de l’université Paul Valéry Montpellier III, à travers le programme « Humanités numériques » qui concerne potentiellement 14 000 étudiants en licence. Avec une « approche programme », une centaine d’enseignants ont conçu de manière interdisciplinaire des briques de connaissances et de compétences dont le but est de faire le lien entre les disciplines et le numérique et de cultiver l’esprit critique des apprenants sur l’utilisation du numérique dans la société. Ces enseignements sont dispensés entièrement en ligne et de façon asynchrone.
Deux autres projets appliquent une approche par compétences plus « complète ». Prélude (Parcours Réussite en Licence Universitaire à Développement Expérientiel) de l’Institut Catholique de Lille a mis en place une licence de droit proposant une modularisation des Unités d’Enseignements en blocs de connaissances et de compétences. Cinq blocs de compétences – toutes disciplines confondues – consistent ainsi à : développer une démarche scientifique ; exploiter l’information, s’exprimer et communiquer, en anglais et en français, utiliser les outils et se préparer au monde professionnel, via des portfolios et des exercices pratiques ; développer un agir éthique et responsable.
MisTral (Mission de Transformation des Licences) à l’université de Toulon a également développé une licence en Sciences de la Vie totalement en approche par compétences dont les premiers étudiants seront diplômés à l‘été 2025. Plus largement, ce projet NCU s’adresse à environ 4000 étudiants. Le premier axe « Faire réussir les étudiants » propose des solutions pour adapter les formations de licence aux besoins et ambitions individuels des étudiants. Un second axe du projet vise à accompagner les équipes pédagogiques dans le développement de « l’approche programme », l’expression en compétences et la mise en place de pédagogies actives.
Les projets NCU doivent de même s’atteler aux compétences dites transversales, qui, s’intègrant aux parcours des étudiants, les dotent d’atouts supplémentaires dans le monde du travail. Ces compétences peuvent recouvrir par exemple de la remédiation en français à l’écrit comme le propose le projet Ecri +, les méthodologies du travail universitaire, des méthodes efficaces de recherche en bibliothèque universitaire, le travail en groupe ou la collaboration, l’initiation à l’entreprenariat.