“PREZODE” : le programme de recherche de France 2030 sur les maladies zoonotiques lance son premier appel à projets
A l’occasion de la publication des deux premiers appels à projets des programmes de recherche PREZODE et MIE (Maladies infectieuses émergeantes), Thomas Balenghien (Cirad), Christine Citti (INRAE) et Benjamin Roche (IRD), co-pilotes du Programme PREZODE, ainsi que Manon Lounnas (coordinatrice scientifique, IRD), nous éclairent conjointement sur les enjeux et complémentarités de ces programmes, leur gouvernance et leurs actions.
Pouvez-vous nous présenter les grands enjeux du programme PREZODE ?
Les zoonoses représentent un enjeu scientifique et planétaire considérable. Elles seraient responsables de 75 % des infectieuses humaines. Leurs émergences et ré-émergences sont profondément liées aux pressions exercées sur les socio-écosystèmes par les activités humaines (e.g. déclin de la biodiversité, changement climatique, urbanisation, intensification de l’élevage, etc.). Dans ce contexte de changements globaux, l’objectif principal du PEPR PREZODE est de comprendre les facteurs de risque associés à l’émergence des zoonoses (maladies ou infections se transmettant des animaux vertébrés à l’homme, et vice versa) et les mécanismes écologiques et épidémiologiques sous-jacents avec le but ultime de proposer des stratégies de gestion des socio-écosystèmes résilients à ces émergences ainsi que des systèmes de surveillance et de détection précoce.
Comment s’articule le travail avec le Programme de recherche MIE piloté par l’ANRS, quelles en sont les complémentarités par rapport à la stratégie Maladies infectieuses émergentes de France 2030 ?
Les deux programmes représentent le volet recherche de la stratégie MIE NRBC de France 2030 et ont pour objectif de renforcer la compréhension, la prévention et la préparation aux émergences et réémergences de maladies infectieuses. Ces deux PEPR s’inscrivent dans un continuum qui va de la pré-émergence de pathogènes zoonotiques à leur émergence, et à leur diffusion dans les populations humaines. Le PEPR PREZODE positionne ses recherches dans la phase de pré-émergence avec un périmètre ciblé sur les stratégies de prévention des zoonoses, alors que le PEPR MIE se situe sur la phase d’émergence des agents pathogènes dans les populations humaines. Ces deux programmes s’inscrivent dans le cadre Une Seule Santé au travers d’approches interdisciplinaires.
Les deux programmes étant étroitement liés, un “Joint Directory Board”, composé des pilotes des PEPR MIE et PEPR PREZODE, est chargé d’assurer une bonne synergie. Ce comité revoit notamment les textes des appels à projets respectifs afin d’éviter les chevauchements et de maximiser les synergies. Il échange aussi sur les projets déposés se situant à l’interface des deux PEPR, partage le contenu des projets lauréats et identifie les principaux résultats à communiquer à la Stratégie d’accélération MIE-NRBC.
Enfin, un appel à projets conjoint sortira à l’horizon 2024 ou 2025, couvrant les thématiques prioritaires transversales aux deux PEPR, et non couvertes par les projets retenus pour financement.
L’ensemble de ces projets de “recherche amont” pourra bénéficier des autres mesures de la stratégie d’accélération MIE-MN, comme les mesures de pré-maturation et maturation (mesures 3, 4, 5 et 6) ainsi que des infrastructures et achat d’équipement (mesure 1).
Une stratégie nationale d’accélération de France 2030 à l’origine des deux programmes de recherche
En réaction aux récentes pandémies (SIDA, grippe, Covid-19) et en prévention de futures crises sanitaires majeures, le Gouvernement a bâti la stratégie nationale d’accélération “Maladies Infectieuses émergentes (MIE) et Menaces Nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (MNRBC)” inscrite dans le volet Santé Innovation 2030 de France 2030.
Dans ce cadre, et afin de répondre à des problématiques aussi complexes que cruciales pour les années à venir, deux “Programmes de recherche de France 2030” (PEPR) PREZODE (Preventing Zoonotic Disease Emergence) et MIE (Maladies Infectieuses Emergentes) ont été lancés. Les grands programmes de recherche de France 2030, dotés d’un budget total de 3 Mds€, doivent en effet contribuer à faire sauter les verrous scientifiques dans des domaines prioritaires définis par l’Etat, en mobilisant et structurant les organismes nationaux de recherche – constitués pilotes de programmes – sur l’ensemble du territoire.
Le PEPR PREZODE, co-piloté par l’IRD, le CIRAD et l’INRAE et opéré par l’ANR est doté d’un budget de 30 millions d’euros sur 5 ans. Il soutient des projets de recherche amont, de R&D (TRL entre 1 et 3) ainsi que des infrastructures et l’achat d’équipement en lien avec le programme. Le PEPR MIE, (Maladies Infectieuses Emergentes), complémentaire à PREZODE, est piloté et opéré par l’ANRS-MIE INSERM et doté d’un budget de 80 M€ sur 5 ans.
En ce qui concerne le Programme PREZODE, comment s’organise la coordination du programme entre les trois co-pilotes, l’IRD, le CIRAD et l’INRAE ?
La coordination et le volet administratif sont confiés à l’IRD mais tout est décidé, conçu, implémenté, revu et validé par les 3 co-pilotes. Nous travaillons en lien étroit avec un comité de programme composé de 9 scientifiques, chacun nommé par les directions des instituts de recherche français travaillant sur les thématiques de PREZODE (CNRS, CNES, ANSES, MNHN, CEA, INSERM, Institut Pasteur, Pasteur Network et ANRS-MIE INSERM). Avec le comité de programme, les pilotes définissent les objectifs, le périmètre scientifique et les thèmes des appels à projets, appels à manifestation d’intérêt et appels à candidatures. Le comité de programme assure la cohérence et la complémentarité de ces appels et des projets proposés pour financement avec les objectifs du PEPR PREZODE d’une part et avec l’ensemble de la stratégie nationale d’autre part.
L’ANR assure l’organisation et la mise en œuvre des appels à projets, ainsi que l’organisation de l’évaluation des projets par un comité de sélection à dimension internationale, indépendant des pilotes et du comité de programme.
Pouvez-vous nous parler des attentes et enjeux de ce premier appel à projets “Changements globaux, pratiques humaines et émergence de maladies zoonotiques” ?
L’originalité de cet appel à projets réside dans la volonté d’étudier l’ensemble de la chaîne favorisant l’émergence des zoonoses dans un écosystème donné et dans un contexte de changement global et d’évolution des pratiques humaines (de la dynamique des agents pathogènes dans leur écosystème aux conséquences sur l’exposition humaine aux zoonoses), en prenant en compte les différentes dimensions de ces événements (évolutive, génétique, épidémiologique, sociologique, etc.). Les projets financés devront donc proposer une approche interdisciplinaire permettant l’intégration des connaissances sur les processus biologiques, écologiques et socio-économiques.
Le processus de soumission en deux phases que nous proposons permettra de renforcer les consortia sur la base du volontariat lors d’une rencontre entre les porteurs de projet ayant soumis une lettre d’intention. Ce processus, ainsi que l’envergure interdisciplinaire des enjeux de recherche de ce PEPR, devraient contribuer au décloisonnement de la recherche et créer de nouvelles opportunités de collaboration au travers de projets ambitieux et innovants.