Retour sur la participation de l’ANR à la 8e édition du festival TURFU

Une consigne ? « Imaginer, tester, fabriquer et débattre ». Des axes de réflexion ? Eclairer notre présent, explorer et concevoir des futurs possibles, exercer notre pensée critique. La programmation particulièrement dense et riche de cette édition, (pas moins de 76 ateliers en 6 jours) plaçait le vivant au centre de la réflexion collective : à travers ce fil rouge les participants étaient invités à réfléchir sur les thématiques qui animent le débat contemporain comme la transition énergétique, la préservation des ressources naturelles, les mobilités urbaines, l’éducation et l’inclusivité ou encore le bouleversement induit par l’intelligence artificielle.

Retour sur une édition pétrie d’altruisme et d’optimisme qui porte haut les valeurs d’une science avec et pour la société.

Une initiative au cœur du label « Science avec et pour la société »

La collaboration entre l’ANR et le Dôme, premier établissement à se consacrer à la recherche participative d’innovation populaire, est vite apparue comme une évidence depuis que l’Agence nationale de la recherche a reçu en 2021 le label « Sciences Avec et Pour la Société », du Ministère l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour « renouer le pacte entre chercheurs et citoyens ». Un label dont le Dôme s’est également vu gratifier, rejoint dans son initiative en 2021 par l’Université de Caen. Aux côtés d’autres partenaires scientifiques comme l’INSERM et le Museum national d’Histoire naturelle, le TURFU a permis à l’ANR de mettre en valeur les projets de son programme pluriannuel SAPS qui cherche à soutenir les projets à travers deux volets majeurs : les Recherches participatives pour encourager les projets réunissant acteurs académiques et non académiques et inciter les citoyens à s’engager dans la production de connaissances scientifiques ; et la Médiation – communication scientifique, pour soutenir les initiatives et actions de transfert des connaissances vers les citoyens et les décideurs.

6 projets lauréats du programme SAPS étaient inscrits à la programmation de cette 8e édition

Le projet EQUIPACT (EQUIPer les ACTeurs pour plus d’impacts dans les transitions) visant à améliorer la qualité et les impacts des recherches participatives dans la perspective de transitions écologiques et solidaires, participait à la journée professionnelle « Médiation scientifique & Recherches Participatives » pour aiguiller les professionnels de la médiation et de la recherche.
 Le projet SANTE COURSE (La plateformisation de l’économie face aux inégalités sociales de santé : le cas des coursiers des plateformes numériques) participait à l’atelier « La santé dans les métiers à vélo », dont l’objectif visait à évaluer et prévenir les risques professionnels et psychosociaux des coursiers des plateformes numériques.
 Le projet PLV MEMONAT (Par Les Vivants : mémoires de la nature. Participation scolaire, histoires de nature et mémoire des changements environnementaux) participait à l’atelier « Se souvenir des forêts », un moment pour mieux connaître la forêt et témoigner collectivement de son évolution dans un contexte de fort changement environnemental.
 Le projet AMPARTRANS (Participation personnes trans, médecins et sociologues pour construire des savoirs et des protocoles communs sur les transitions de genre) participait à une discussion pour échanger sur la diversité et les difficultés des parcours médicaux de transitions de genre.
 Le projet A2QUAT (Développement d’outils de recherche participative pour l’analyse quantitative et qualitative des micro plastiques environnementaux) participait à un « Brunch sous plastique » pour informer et sensibiliser le public aux risques et périls de la pollution plastique.
 Le projet CITIZENS (Implications des citoyens dans la décision publique), était représenté au sein de l’atelier « Le vote est-il démocratique ? » qui invitait les participants à réfléchir collectivement sur les modalités de vote et de scrutin pour faire valoir authentiquement leur voix.

Des projets bien à flots ou de jeunes initiatives tout juste lauréates de l’appel Recherches participatives 2 (dont la sélection a été notifiée en décembre 2023) ont bénéficié de cette tribune pour consulter le public, confronter leur méthode, tester leurs idées et dispositifs grâce à l’opportunité d’expériences participatives polymorphes.

Sensibiliser et alerter pour agir collectivement

Rendez-vous incontournable du TURFU, un brunch convivial et participatif (rebaptisé « Brunch sous plastique » en cette année) prenait place sous la grandiose ossature du Dôme. Parmi les invités, Bruno Dumontet, président de l’association Expédition MED et porteur du projet A2QUA (lauréat du programme SAPS en décembre 2023), projet ancré dans une logique de participation citoyenne et de volontariat solidaire : l’association Expédition MED (pour « Méditerranée en danger ») réalise depuis 2010, grâce à son laboratoire citoyen, des expéditions de recherche scientifique et participative embarquées pour étudier la pollution aux micro plastiques en Méditerranée. Des personnes de la société civile, sans compétences particulières sont recrutées comme éco-volontaires pour assister les chercheurs à bord sur les prélèvements, produire de la donnée, et établir un diagnostic sur la présence des déchets plastiques en Méditerranée.

Des prélèvements participatifs qui se sont traduit par le développement de protocoles de recherche au fur et à mesure des prélèvements et par des publications scientifiques, une démarche indispensable pour se rendre audible et alerter, selon Bruno Dumontet.  Le soutien apporté par l’ANR au récent projet A2QUAT devrait permettre d’approfondir la mise au point d’outils participatifs pour l’analyse quantitative et qualitative des micro plastiques dans le but de les rendre accessibles à des associations ou acteurs privés et à une échelle plus grand-public. Des objectifs pédagogiques et scientifiques au cœur de la volonté de décloisonnement entre science et société.

Une démarche engagée au diapason des préoccupations environnementales actuelles qui trouvent un écho dans les propos de Nelly Pons, figure éloquente de ce « Brunch sous plastique ». L’écrivaine et militante mène depuis plusieurs années une démarche de sensibilisation des citoyens aux dangers de la pollution plastique. La discussion est l’occasion de prendre la mesure du péril que représente la pollution plastique, un phénomène connu depuis les années 1960 mais dont l’identification et la mesure se sont longtemps cantonnées à produire des données sur les macrodéchets (les plus visibles). La pollution aux micro plastiques n’apparaît dans le discours médiatique que dans les années 2010, rappelle Nelly Pons. Un phénomène inquiétant qui va bien au-delà de la pollution visuelle : une pollution massive et généralisée issue de la fragmentation de déchets plastiques et des retombées atmosphériques dont les composants sont colonisés par des microorganismes potentiellement pathogènes (algues, crustacés, bactéries, virus, champignons). Nelly Pons et Bruno Dumontet rappellent que nous disposons encore de peu d’informations sur la « plastisphère » et son incidence sur les écosystèmes terrestres et marins.

Très vite, les deux intervenants du « Brunch sous plastique » évoquent les difficultés auxquelles se heurtent scientifiques et militants dans leurs démarches de sensibilisation et d’alerte du monde politique : si la présence des particules de micro-plastique est scientifiquement prouvée et l’incidence sur les écosystèmes confirmée, elle demeure difficile à mesurer. En cause, une pollution multi-niveau, des « effets cocktail » (accumulation de substances chimiques) qui rendent délicate la mise en évidence de relations de cause à effets et de corrélation de toxicité (difficile isolement des molécules). Une seule issue s’impose face à ce péril : agir sociétalement en renouvelant nos façons de consommer. Consommer moins de plastique, consommer moins souvent. Nelly Pons rappelle qu’aujourd’hui 9 jouets sur 10 produits au niveau mondial impliquent l’usage du plastique et que 6 vêtements sur 10 présentent du plastique dans leur composition. La plasturgie est la 7e industrie la plus importante en Europe.

* Le projet A2QUAT est une collaboration de Mickael Kedzierski (Institut de Recherche Dupuis de Lôme / Université de Bretagne Sud) et de Mouncef Sedrati – Observatoire Citoyen du littoral Morbihannais.

Donner la parole autrement

Comment donner la parole autrement ? Comment accueillir la parole sur un mode plus horizontal ? Une question au fondement de ce festival participatif : au sein de chaque conférence, chaque atelier, une place essentielle et incompressible a été consacrée aux échanges avec le public, tantôt spectateur tantôt acteur du débat dans une atmosphère conviviale – mais pas consensuelle – propice à la libre parole. Dans cette démarche d’horizontalisation du discours et des savoirs, le TURFU a consacré une soirée au projet AMPARTRANS, lauréat de l’appel ANR SAPS-RA-2 (sélectionné en décembre 2023) pour échanger sur la question de la diversité des parcours médicaux de transition de genre. Ce projet, porté par Marie-Pierre Julien, anthropologue et sociologue de l’Université de Lorraine, a pris la forme d’une discussion entre des personnes concernées pour discuter spécifiquement de leurs parcours médicaux, avant, pendant et après leur transition. Un projet proprement collaboratif visant à recueillir les témoignages de ces personnes mais aussi des professionnels de santé, des personnels administratifs, et d’acteurs associatifs dans le but de co-construire un savoir sur l’offre de parcours de transition. A l’heure où il existe encore très peu d’études sur la transidentité en France, cette initiative permettra d’identifier les obstacles et les disparités de ces parcours médicaux et de former un consortium pérenne d’acteurs multiples pour construire la recherche sur les parcours de transition et la transidentité.

Le lancement du nouveau questionnaire du festival « Et Maintenant ? » organisé par Arte

Le TURFU s’est terminé par une vaste expérience participative : le lancement du questionnaire « Et Maintenant ? » du nom du festival international des idées de demain organisé par Arte. Le public du festival a été le premier à répondre au nouveau questionnaire consacré cette année à l’Europe (« Europa-moi »). En direct, les participants ont répondu sur leur smartphone et ont pu s’approprier les questions, y répondre individuellement comme collectivement, donner leur avis sur la forme du questionnaire et s’exprimer sur les sujets soulevés par l’enquête. Parmi les questions : « Quels signes concrets vous font le plus penser à l’Union européenne ? Quand avez-vous pris conscience d’un destin commun européen ? Quelle est la prochaine grande liberté individuelle que vous aimeriez voir garantie par l’Union européenne ? ». Les réponses au questionnaire (qui compte à ce jour plus de 13 000 répondants) seront analysées par les équipes de recherche de la Fondation Jean Jaurès et feront l’objet d’une grande restitution finale à l’automne 2024, lors du festival « Et Maintenant ? ». L’ANR sera partenaire de l’événement pour la 3e année consécutive.

Pour répondre au questionnaire, cliquez ici

En savoir plus

Découvrez le programme SAPS de l’ANR

Le site du festival TURFU

Retrouvez le programme complet du TURFU

Site du Festival Et Maintenant ?

Lien du questionnaire Europa-Moi

Site de Expédition Med (projet A2QUA)